Devant les questionnements récurrents de nos clients, je vais tenter d’éclairer un peu le principe du vaccin à ARN messager. Il est nécessaire de commencer par un rappel très succinct des notions d’antigènes et d’anticorps. Notre organisme reconnait un élément étranger (agent pathogène ou greffe) par ses protéines de surfaces. On appelle ces protéines des antigènes. Ces protéines exprimées à la surface des agents infectieux, leur permettent entre autres d’entrer dans les cellules cibles. Ces antigènes génèrent ensuite dans notre organisme la réaction de défense immunitaire, amenant entre autres à la production d’anticorps. Les anticorps étant des complexes protéiques qui se fixent spécifiquement sur l’antigène et entrainent ainsi la neutralisation et la destruction de l’agent pathogène.
Le principe de la vaccination depuis Louis Pasteur, était jusqu’alors d’injecter une partie morte ou atténuée d’un agent pathogène pour susciter une réaction immunitaire spécifique de l’organisme. Cette stratégie était il y a quelques jours encore celle de l’institut Pasteur en France, mais les difficultés de purifications de la protéine virale ont conduit l’institut à arrêter sa mise au point d’un vaccin.
Aujourd’hui, une nouvelle technologie vaccinale arrive chez l’homme à la faveur de la crise sanitaire du coronavirus SARS-COV-2 responsable de la COVID-19 : le vaccin à ARN messager. Le principe est de faire entrer cette molécule dans une cellule afin qu’elle donne les instructions nécessaires à la production d’une protéine antigénique la plus spécifique du virus. Dans le cas du coronavirus, l’ARN messager code pour la protéine « spicule » (spike), très spécifique de ce virus et qui lui permet d’entrer dans nos cellules (à la façon d’une clé dans une serrure).
Si l’ARN et l’ADN sont utilisés depuis de nombreuses années en technologie vaccinale (y compris en médecine vétérinaire), les vaccins à ARN messagers ont pu être mis au point grâce à la création récente de petites enveloppes lipidiques capables de servir de transporteurs et de faire entrer la molécule d’ARN messager viral, dans les cellules présentes sur le site d’injection (nos cellules musculaires), afin de leur faire produire les antigènes viraux qui s’exprimeront à leur surface. Ces développements de la biotechnologie ont été réalisés entre autres par des start-ups comme BioNTech en Allemagne ou Moderna aux Etats Unis. BioNTech a ensuite dû s’associer à Pfizer pour bénéficier de sa logistique de production et de distribution, ainsi que sa maitrise des process administratifs et règlementaires. Moderna pour les mêmes raisons, s’est associée avec le laboratoire Roche (Suisse). Les cellules exprimant cette protéines « spike » sont ensuite détectées et reconnues par le système immunitaire comme étrangères et donc détruites. Le système immunitaire mémorise ensuite cet antigène afin de se prémunir d’une nouvelle « infection ».
Cette nouvelle technologie présente de nombreux avantages, en particulier un gain de temps puisqu’elle permet d’éviter la culture virale nécessaire aux vaccins « traditionnels », et que ces molécules sont par ailleurs très rapides à produire. Un autre avantage est la tolérance de ces vaccins puisqu’il n’y a pas de virus atténué (ou insuffisamment purifié), ni d’adjuvant pour stimuler le système immunitaire et que l’injection est locale (intramusculaire) avec une destruction rapide de ces molécules. Cette technologie semble aujourd’hui très efficace avec 90% de protection.
Elle présente également des inconvénients, l’ARN messager est très fragile et détruit rapidement par l’organisme ou la température. Cela explique en particulier la nécessité de transporter les vaccins à -70°C pour augmenter leur stabilité et leur durée d’action. Ce sont par ailleurs des protéines bien plus grosses que les antigènes et elles présentent donc un risque allergique supérieur.
Il est évident que par définition nous n’avons pas de recul sur cette nouvelle technologie. En revanche il est évident que ces molécules d’ARN messager ne peuvent en aucun cas interférer avec notre génome. Elles n’ont par essence, pas accès au noyau, l’ADN qui renferme notre patrimoine génétique est stocké dans le noyau et l’ARN qui sert à produire les protéines, expressions de notre génome, s’exprime dans le cytoplasme cellulaire. De plus, leur très faible stabilité et durée de vie in-vivo rendrait cela plus improbable encore. Enfin, les cellules concernées sont les cellules musculaires du site d’injection qui sont ensuite détruites rapidement par l’organisme via la réaction immunitaire.
Cette technologie a donc probablement un bel avenir dans la lutte contre le coronavirus qui nous occupe aujourd’hui et dans les futures crises sanitaires. Cette technologie est également prometteuse dans le contrôle d’autres maladies et en particulier dans le cadre de la lutte contre le cancer.
En espérant avoir éclairés nos lecteurs qui auront eu le courage de lire jusqu’au bout…
David Retière